Rechercher les talents, c’est retourner vers soi pour identifier, en-deçà de l’appris et de l’acquis, ce que l’on fait avec naturel et facilité, qui constitue en définitive sa marque et sa puissance personnelles. Un retour sur soi déjà encouragé par Montaigne (« On nous a tant assujettis aux cordes que nous n’avons plus de franches allures. Notre liberté et vigueur est éteinte. » De l’institution des Enfants) ou par Rousseau dans l’Emile : « L’essentiel est d’être ce que nous fit la nature ; on n’est toujours que trop ce que les hommes veulent que l’on soit ». Il n’est pas question de remettre l’homme à quatre pattes, selon la moquerie facile de Voltaire, mais au contraire de l’inviter à se mettre debout et à jouer sa carte.
La valeur de la subjectivité est devenue centrale dans les sociétés modernes, au premier chef dans la sphère privée et, de manière encore tâtonnante, dans la sphère de l’éducation. Dans le monde du travail, malgré un besoin croissant d’initiatives individuelles et de créativité, malgré l’effort des coachs, on ne s’intéresse encore qu’incidemment aux ressources spécifiques de la personne.
Il suffit pour s’en convaincre d’observer les demandes d’emploi. Les candidats s’y présentent comme de bons élèves ornés de multiples diplômes. Plutôt que de mettre en avant leur différence, leurs appétences et passions, ce qu’ils peuvent apporter d’extraordinaire à l’entreprise, ils jugent préférable de passer pour des enfants sages, mesurés, adaptables à souhait. Or les talents sont une mine d’or pour l’entreprise qui les exploite.
O.W 06.2017